Lorsqu’une personne envisage de s’installer en maison de retraite hors de France, les aspects pratiques et financiers sont souvent prioritaires. Pourtant, un élément crucial mérite une attention particulière : l’impact sur la succession de la personne qui s’expatrie.
Le Règlement européen n° 650/2012 et la jurisprudence récente, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2022 (Chambre civile 1, 21 septembre 2022, 19-15.438), mettent en lumière les risques juridiques liés à l’absence de choix de loi. Le choix anticipé de la loi applicable (professio juris) apparaît essentiel pour protéger votre patrimoine et vos héritiers.
La loi de la résidence habituelle
Le Règlement européen n° 650/2012 prévoit que la succession d’une personne est régie par la loi de son État de résidence habituelle au moment du décès (art. 21). Cette notion, comme l’a rappelé l’arrêt du 21 septembre 2022, ne dépend pas seulement de la durée du séjour, mais d’une évaluation globale des liens avec le pays (intégration sociale, intention d’y résider durablement).
Ainsi, un retraité français installé dans une maison de retraite en Espagne ou au Portugal pourrait voir sa succession régie par le droit local, même s’il conserve des biens et des héritiers en France. Cela peut entraîner des conséquences imprévues :
Illustration jurisprudentielle : l’arrêt du 21 septembre 2022
Dans cet arrêt, la Cour de cassation s’est prononcée sur une succession transfrontalière complexe. Un ressortissant français avait résidé au Royaume-Uni pendant de nombreuses années et avait laissé un bien en France et institué un trust au bénéfice de son épouse britannique. Il était revenu en France pour y être soigné. La Cour de cassation énonce : «
« 10. Pour déclarer la juridiction française incompétente pour statuer sur la succession de [Y] [H] et désigner un mandataire successoral, l'arrêt retient que la résidence habituelle du défunt était située au Royaume-Uni.
La Cour de cassation établit donc la France comme lieu de dernière résidence du défunt. Par application du Règlement succession 650/2012, elle soumet ainsi l’ensemble de la succession à la loi Française et non pas à la loi Anglaise.
Cet arrêt illustre l’insécurité juridique liée à l’absence de choix de loi: sans professio juris, les héritiers doivent engager des procédures coûteuses pour clarifier les règles applicables à la succession.
La professio juris : un outil simple et efficace
Le Règlement européen permet à tout individu de désigner la loi de sa nationalité pour régir sa succession (art. 22). Ce choix, appelé professio juris, offre une sécurité juridique précieuse en cas d’expatriation ou de déménagement ultérieur.
Les avantages sont clairs :
- Vous conservez le droit français pour toute votre succession, même si votre résidence habituelle change.
- Vous protégez vos héritiers grâce à l’application des règles françaises (réserve héréditaire).
- Vous simplifiez les démarches successorales en évitant les conflits entre plusieurs systèmes juridiques.
Le rôle clé du notaire
Le notaire joue un rôle central dans cette démarche :
Conclusion : Anticiper pour sécuriser votre succession
L’installation en maison de retraite à l’étranger ne doit pas être envisagée uniquement sous l’angle pratique ou financier. Une consultation chez un notaire spécialisé permet d’éviter les complications successorales grâce à une planification adaptée et au choix anticipé de la loi applicable. La professio juris est un outil simple mais très efficace pour garantir une transmission patrimoniale conforme à vos souhaits et protéger vos proches contre les aléas juridiques transfrontaliers.
"Anticiper aujourd’hui, c’est éviter les litiges demain."
Pour toute question sur le choix de loi ou la gestion successorale internationale, n’hésitez pas à vous rapprocher de notre équipe spécialisée en Droit international.
Me Julien ROUCH, Notaire associé